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Stop au gaspillage alimentaire : Tout sur les dates de consommation

07 Oct 2022

Préface

Dans un contexte de crise économique liée à la crise sanitaire qui est elle-même liée à une profonde crise environnementale, l’alimentation est LE sujet du moment.

A l’heure où notre pays est touché par une inflation inquiétante et que le pouvoir d’achat des mauriciens s’amenuise à vue d'œil, nous avons un besoin d’agir. Le gaspillage alimentaire, qui représente la première source de déchets de notre île, est aujourd’hui une aberration. 

Ce n’est aujourd’hui, qu’en rassemblant l’ensemble des acteurs du système alimentaire ainsi que les pouvoirs publics concernés, que nous allons arriver à transformer la façon dont notre système alimentaire fonctionne. Heureusement aujourd’hui, nous constatons une grande envie et urgence d’agir de la part de multiples acteurs qui ont compris les risques en jeu. Cependant, il y a besoin d’une force externe pour rassembler, fédérer et permettre à tous ces maillons de travailler ensemble pour atteindre des objectifs communs.

FoodWise, entreprise sociale indépendante et leader dans la lutte contre le gaspillage alimentaire à l’Ile Maurice se distingue alors comme agent et interlocuteur privilégié. Notre mission est de permettre que chacun à son échelle puisse être acteur pour réduire le gaspillage. Nous travaillons quotidiennement depuis 4 ans, main dans la main, avec des commerçants, distributeurs, hôtels, associations, institutions, citoyens ou pouvoirs publics. Comprendre les problématiques de chacun, analyser les pratiques existantes, créer des liens entre demandes et besoins, proposer des solutions fédératrices afin d’avoir un impact national, est notre mission.

 

Après 4 ans, plus de 3.5 millions de repas sauvés pour une valeur de Rs 100 Millions (!), 300 entreprises partenaires et plus de 150,000 mauriciens touchés, FoodWise est aujourd’hui bien plus qu’une activité de redistribution alimentaire mais un mouvement fédérateur avec pour but d’aider notre île à répondre au défi de taille qui est le gaspillage alimentaire.

 

C’est aujourd’hui l’engagement des entreprises du secteur de l’agro alimentaire et des pouvoirs publics, que nous venons chercher, afin de mettre en commun nos forces et engager des actions d’ampleur nationale, qui permettront d’atteindre un objectif commun en 2030 : réduire de 50% le gaspillage alimentaire à l’Ile Maurice.

Fort de nos expériences sur le terrain, nos conversations avec nos partenaires et des analyses réalisées, ce livre blanc se compose de propositions concrètes, qui si elles sont réglementées et mis en oeuvre, se transformeront en nos habitudes de demain, pour une société responsable et durable.

 

Notre tâche est grande comme l’est l’urgence, il nous faut donc agir vite, ensemble.

 

- Rebecca Espitalier-Noël, Co-Fondatrice et Directrice de FoodWise.

Les dates de péremption et le gaspillage alimentaire

Le gaspillage alimentaire représente 27% des déchets à l’Ile Maurice soit 146,662 tonnes par an. Selon une étude réalisée par FoodWise auprès d’entreprises de l’agroalimentaire réalisant un chiffre d’affaires total de Rs 45 milliards, 65% d’entre elles considèrent que la source première de leur gaspillage alimentaire sont les dates de consommation. Concernant les foyers, s’il n’existe pas d’étude à ce sujet à Maurice, en France ou aux Etats-Unis elles représentent plus de 20% du gaspillage dans les foyers.  

 

Ces chiffres ont donc démontré l’impact qu’une meilleure compréhension et gestion des dates de consommation pourraient avoir sur le gaspillage alimentaire. C’est pour cette raison que FoodWise en a fait son cheval de bataille depuis deux ans. La première étape était de changer la loi. En effet, il n’y avait jusqu’à l’heure qu’une seule date dans la loi qui était le “expiry date”. Aucun produit ne pouvait donc être vendu ou donné après la date de consommation. Après deux ans, cette loi a changé depuis le 1er Juillet 2022, et deux dates sont maintenant présentes dans la loi: le “expiry date” et le “best before date”. Les produits ayant un best before date peuvent dorénavant être vendus et donnés après la date. 

 

La deuxième étape est donc après le changement de loi, de sensibiliser les mauriciens et engager les entreprises pour que la loi ait l’effet escompté, soit la réduction du gaspillage alimentaire. C’est dans ce contexte que FoodWise a lancé le 14 Octobre 2022 une campagne nationale d’un an sur les dates de consommation grâce à un Pacte sur les Dates de Consommation regroupant les entreprises agroalimentaires mauriciennes. 

A quoi servent les dates de péremption?

  1. Permettre la traçabilité des produits tout au long de la chaîne alimentaire; 
  2. Assurer la qualité nutritive et organoleptique des produits afin de répondre au principe de loyauté (ne pas décevoir le consommateur) et garantir la fraîcheur de leurs produits (et donc l’image de marque du producteur) ; 
  3. Assurer la sécurité alimentaire des consommateurs.

D'où viennent les dates de péremption?

Les dates de péremption n’existaient pas il y a 60 ans mais elles ont été mises en place après la guerre dans le monde car il fallait reproduire de la nourriture le plus vite possible, le moins cher possible et donc il a été question de protéger la santé des consommateurs qui était affaibli après la guerre et apposer des dates pour s’assurer qu’il n’y ait aucun problème. Les dates de consommation ont donc été inventées en 1959 par le groupe Casino notamment qui indique alors pour la première fois la date limite de vente sur les paquets de leurs produits. En 1979, l'hygiène et la sécurité alimentaire deviennent une priorité pour l’Etat français. Ainsi apparaissent les premières dates de limite de consommation pour certains produits. Au départ cette nouvelle norme est vue comme une contrainte dans les professionnels de l’agroalimentaire mais très vite ils comprennent que ces dates de consommation peuvent les aider à avoir une meilleure traçabilité mais surtout à écouler leurs stocks plus rapidement. C’est finalement en 1984 que l’Etat français rend obligatoire les dates de consommation en France pour tous les industriels. Ce n’est qu’en 2011 que les dates limites de consommation sont rendues obligatoires dans toute l’Union Européenne. A l’Ile Maurice, c’est en 1999 que les dates apparaissent pour la première fois dans la loi. Alors que la société a beaucoup évolué depuis la seconde guerre mondiale et que nous sommes beaucoup moins dans des insuffisances alimentaires en termes de nutriments et de vitamines, ces dates sont restées depuis. 

Qui décide des dates de consommation?

Les dates sont décidées par les fabricants eux-mêmes sans règle sur comment les dates doivent être apposées et définies. Elles sont donc fixées selon trois critères de définition par les industriels:

 

  1. La dimension sanitaire: avec le développement de bactéries, de moisissures ou de pathogènes 
  2. La dimension organoleptique: avec la perte de goût, de gaz dans les boissons mais aussi le changement de saveurs, de textures, de couleurs
  3. La dimension intrinsèque:  avec la détérioration des nutriments et la perte des vitamines

Avec ces trois critères s’ajoutent des considérations nationales et de marché: où le produit est-il fabriqué? Où va-t-il être livré et quelles sont les habitudes de consommation nationales? Toutes ces variables qui prennent en compte l’ensemble de la chaîne alimentaire font varier les dates de péremption pour des produits similaires. En effet, sur un même produit un fabricant va pouvoir apposer trois semaines de date et un autre deux. Parfois aussi, sur la même ligne de produit en fonction de si c’est produit pour être consommé localement ou à l’étranger il y a aura une date de péremption plus ou moins longue. 

Les dates sont donc multiples et paraissent aléatoires sans harmonisation, le consommateur est donc en droit de se poser la question de leur fiabilité. Raisonnement auquel s’ajoute la question économique liée aux dates de péremption : plus elles sont courtes, plus elles favorisent la rotation des stocks et donc la production.

Quelles sont les conséquences de cette apposition plus ou moins arbitraire?

Les dates ont créé un phénomène où nous ne faisons plus confiance à nos sens et à nos façons logiques de penser mais nous allons décider par un principe de précaution de jeter le produit à la poubelle au lieu de le jeter. 

A quoi servent les dates de consommation?

Dans notre frigo, on distingue deux types de date. Le “expiry date” concerne essentiellement les produits frais qui présentent des risques pour la santé comme la viande, le poisson et aussi les produits laitiers. Il faut être vigilant avec ces produits en les conservant le mieux possible et en respectant la date indiquée. En effet, nous parlons ici bien d’un critère d’hygiène où il ne faut pas prendre de risque de consommer le produit après cette date. Sur d’autres produits, par exemple un jus, il y a écrit “best before date”. Ici c’est uniquement un critère de qualité et c’est une date indicative. Après cette date, il n'y a aucun risque pour votre santé, mais le produit peut perdre un peu de ses qualités nutritives et gustatives. La texture, peut être la couleur parfois même le goût du produit peuvent changer mais à aucun moment la santé est mise en danger. Il est donc totalement possible de consommer le produit après une date “best before” si le produit a bien été conservé et que l’emballage est intact. Si vous avez un doute, vous pouvez toujours utiliser la méthode logique, de grand-mère et observer, sentir, goûter.

Est-ce impossible de manger des produits après leur “expiry date”?

Prenons l’exemple des yaourts qui sont produits frais. Ils sont donc porteurs d’un “expiry date”. Mais alors, si le “expiry date” indique la date à laquelle un aliment ne peut plus être mangé et que les yaourts en ont une, comment se fait-il qu’on puisse les consommer plusieurs jours après la date ? Ça dépend. Les produits de la mer et les viandes ne doivent absolument pas être consommés après la date. Quand d’autres, s’ils ne sont pas ouverts, peuvent se consommer une à deux semaines après. C’est le cas de nos fameux yaourts. Certaines “expiry date” sont donc plus souples que d’autres. Dans ce cas, il arrive comme cela a été le cas du yaourt en Espace, que le expiry date soit remplacé par le “best before date”. En 2014, l’Espagne troquait le “expiry date” du yaourt de 28 jours à un “best before date” de 35 jours. Cette mesure fait partie de la campagne « plus d’aliments, moins de gaspillage » visant à réduire de moitié le gaspillage d’ici 2025 en Espagne. Non seulement la typologie de date a changé, mais en plus sa durée s’est vue rallongée de 7 jours, le yaourt conservant sa qualité optimale jusqu’au 35ème jour. Après ça, il reste consommable mais peut avoir perdu quelque peu son goût, son odeur, son aspect. En transformant le “expiry date” en “best before date” le message est clair : c’est désormais au consommateur de choisir si, au trente-cinquième jour, le laitage doit terminer ou non à la poubelle. 

Est-ce que les produits avec un “best before” date baissent toujours en qualité après la date?

Les condiments comme la moutarde, les cornichons et les épices, se consomment très longtemps après la date, sans que leur aspect, leur texture, leur goût ou leur odeur n’aient bougé d’un iota. Il existe même des aliments qui ne périment jamais. C’est le cas du riz, de la farine et des céréales. Apposer une date, quelle qu’elle soit, semble ici absurde. Rappelons-le, dans tous les cas, consommer un produit avec un “best before date” quelques mois après ne représente pas de danger sanitaire.

Quels produits ne requièrent pas de date du tout à Maurice?

  • Bakers' or pastry cooks' wares which, given the nature of their content, are normally consumed within 24 hours of their manufacture 
  • Beverage containing 10% or more by volume of alcohol 
  • Chewing gum 
  • Confectionery product consisting of flavored and coloured sugar 
  • Food grade salt 
  • Fresh fruit and vegetable, including potato, which have not been peeled, cut or similarly treated 
  • Solid sugar
  • Vinegar 
  • Wine, liqueur wine, sparkling wine, aromatised wine, fruit wine and sparkling fruit wine 

Bien sûr, comme vu précédemment, cette liste de produits impérissables est bien plus longue. En effet, beaucoup plus de produits ne devraient pas avoir de date du tout, mais le combat est encore long.

Pourquoi une campagne de sensibilisation? 

Selon l’ADEME, la mauvaise compréhension et gestion des dates de consommation est à l'origine de près de 20% de gaspillage alimentaire dans les foyers. Cela équivaut à Maurice à 80 000 kilos de produits alimentaires, soit une quantité pour fournir un repas à 150 000 personnes par jour qui est jeté à cause d’une mauvaise compréhension des dates. Il y a un besoin d'aujourd'hui plus que jamais pour lutter contre le réchauffement climatique climatique mais aussi pour lutter contre l’insécurité alimentaire de se reconnecter à notre alimentation et de comprendre qu’un steak acheté dans un supermarché est un animal qui a été tué en Australie, a demandé de l’eau, des pâturages, pour pouvoir grandir  et qui a dû être empaqueté, transporté, à des milliers de kilomètres et qu’il n’est plus possible de se permettre de le jeter à la poubelle. Les dates de péremption nous on fait agir de manière déconnectée par rapport aux produits que nous consommons et nous devons redonner de la valeur à ces produits en se reconnectant à ces derniers.

Comment pourrait-on aller plus loin?

  1. Harmoniser les dates de péremption par filière. 
  2. Supprimer les dates de consommation pour les produits qui n’en nécessitent pas comme les pâtes, le riz, le miel ou le café. 
  3. Encourager le développement de packaging innovant pour améliorer la conversation.

Pourquoi la loi sur les dates de consommation à Maurice représente-t-elle un problème?

La loi de 1999 dans les Food Regulations sur les dates de péremption considérait seulement le “expiry date” comme date valable est reconnue. Toutes les autres mentions, comme le “best before” étaient donc égales dans la définition.

Comment la loi a changé?

Le 1er Juillet 2022, les Food Regulations ont été amendées. Deux dates existent donc aujourd'hui dans la loi, un “expiry date” et un “best before date”. Les produits ayant en “best before date” dépassé peuvent aujourd’hui être vendus dans un délai de sept jours après la date.

Comment faut-il que la loi change davantage?

Le délai de sept jour sur la vente (ou le don) des produits qui ont dépassé leur “best before date” est contraire à la définition même du “best before” qui signifie qu’un produit qui aurait dépassé sa date peut perdre en qualité mais n’est pas dangereux pour la santé. Les sept jours ont été définis de manière arbitraire et par la pression de la date butoire du budget 2022 arrivant. Les Food Regulations seront amendées en Janvier 2023. La recommandation de FoodWise est qu’au lieu de mettre le délai de sept jours comme condition de vente (ou de don), deux conditions doivent être présentes. La première est que la responsabilité de la vente au consommateur est celle du vendeur. La deuxième est que le consommateur doit être au courant qu’il est en train d’acheter (ou de recevoir) un produit ayant dépassé le “best before date”.

Pourquoi un Pacte?

Au-delà de l’activité de redistribution alimentaire permettant à toutes les entreprises agro-alimentaires de faire don de leurs produits invendus, FoodWise a l’ambition de faire grandir un mouvement national de lutte contre le gaspillage alimentaire. Cela consiste notamment à rassembler et à impliquer tous les acteurs du secteur autour de cet objectif commun. Le Pacte sur les dates de consommation a pour but de créer de la collaboration et du lien entre les acteurs privés, les pouvoirs publics et les consommateurs. L’ambition est de lutter contre le gaspillage alimentaire causé par les dates à travers la pédagogie, la sensibilisation et le changement de pratiques à grande échelle. C’est autour de 8 engagements concrets, mesurables et réplicables que nous créons une coalition forte d’acteurs d’horizons divers, pour faire des bonnes pratiques la norme et œuvrer pour un un changement de paradigme.

Le contenu du Pacte

Les 4 recommandations prioritaires:

1. Raise awareness and educate the general public and your teams on food waste

  • Launch widespread communication on date labels
  • Enable a wide dematerialised access to awareness on date labels
  • Include food waste reduction in the mission of your teams

2. Improve the use and clear understanding of Best Before labels on products

  • Substitute Expiry Date labels with Best Before dates on products wherever possible
  • Raise awareness on the Best Before date directly on the product

3. Lead sales actions or donations for products past their Best Before date

  • Commit to sell or donate products after their Best Before date
  • Implement and contribute to zero-waste stands in supermarkets for the selling of Best Before products

4. Work together with other food chain actors to harmonize good practices

  • Participate to working groups to help change industry standards and laws